Il y a, en France, environ 7 millions de personnes étrangères et chaque année, quelque 70 millions de touristes visitent l’Hexagone.
Lorsqu’ils ont des problèmes de santé, face à des praticiens qui ne parlent pas leur langue, l’explication des soins peut s’avérer difficile.
« Je prends quotidiennement en charge des patients non-francophones », souligne Sylvie Aubrun, infirmière anesthésiste au bloc opératoire de l’hôpital Lariboisière dans le 10e arrondissement de Paris.
L’infirmière n’est pas entièrement satisfaite de la prise en charge offerte à ces patients d’un point de vue médico-légal et en termes de qualité des soins. « Un soigné qui ne comprend pas ce que nous lui disons ne peut pas participer aux soins, indique-t-elle. Il est difficile d’obtenir son consentement éclairé. »
Des solutions variées
Quelles solutions se présentent aux infirmières ? « Dans notre hôpital, nous pouvons avoir recours aux personnels ressources, c’est-à-dire aux professionnels de santé qui parlent une autre langue, rapporte Sylvie Aubrun. Mais ils doivent tout de même être disponibles, ce qui n’est pas toujours le cas. »
L’Assistance-Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) a également mis à disposition de son personnel un kit de communication afin d’améliorer la prise en charge des personnes ayant des difficultés d’expression et/ou de compréhension.
A l’hôpital Lariboisière, l’association Inter service migrant (ISM) Interprétariat tient des permanences avec des traducteurs professionnels. « Nous l’utilisons peu au bloc, ce sont surtout les consultations qui y ont recours », note Sylvie Aubrun.
Les services peuvent également utiliser la consultation téléphonique offerte par ISM Interprétariat (30 euros le ¼ d’heure). Cette association, composée d’une équipe de 326 interprètes traduisant 105 langues et dialectes, propose aussi des traductions avec un interprète qui se déplace ponctuellement au sein des services hospitaliers (115 euros la demi-journée de trois heures).
" Les infirmières accèdent directement à nos prestations," fait savoir Abdelaziz Tabouri, directeur par intérim de l’association. "Elles sont les premières à être en contact avec les patients non francophones et leur famille, et donc à être confrontées au problème de la langue. »
L’association intervient dans l’ensemble des hôpitaux de l’AP-HP, qui demeure son premier client, et par téléphone dans les grandes villes de province comme à Marseille ou Brest.
Un recours indispensable
Néanmoins, la majorité des infirmières ont encore recours à la « débrouille ».
Par exemple, certains patients viennent accompagnés de personnes leur servant de traducteur, ce qui peut poser des problèmes éthiques. « Le patient ne dit pas tout devant sa mère, son père ou son fils qui lui sert d’interprète », constate l’infirmière. « Avec des interprètes non-professionnels se pose la question de la confidentialité, du respect du secret médical et de l’intimité du patient », poursuit Abdelaziz Tabouri.
A l’inverse, les interprètes professionnels sont formés sur le cœur du métier avec les exigences éthiques, professionnelles et déontologiques que cela implique, et à leur secteur d’intervention. « Il est très important de communiquer clairement avec les patients", soutient Sylvie Aubrun en précisant qu’il y a encore beaucoup à faire pour offrir la prise en charge idéale. "Mais les contraintes budgétaires nous limitent. »
Selon Abdelaziz Tabouri, la question financière n’est pas le frein principal du recours aux services d’ISM Interprétariat. « Le premier obstacle vient du fait que le personnel ne connait pas nécessairement l’existence de notre service. Il faudrait le sensibiliser à la problématique de l’accueil de qualité des patients car ce n’est pas un interprétariat de confort. Il participe à la bonne gestion de la santé et à l’équilibre financier de l’hôpital car il permet d’éviter des hospitalisations et permet donc des économies d’échelle. »
Autant d’offres dont ne bénéficient pas les infirmières libérales, faute de financement. De fait, « elles se débrouillent comme elles peuvent », indique le Sniil. « Elles doivent certainement puiser dans leurs compétences personnelles ou alors avoir recours à la famille », souligne Philippe Tisserand, président de la FNI.
Laure Martin