mercredi 23 novembre 2011

Patients non-francophones : une prise en charge complexe













Comment font les infirmières hospitalières pour communiquer avec des patients non-francophones et assurer leur prise en charge ? Parallèlement à la « débrouille », certains hôpitaux ont recours à des services d’interprétariat professionnel.

Il y a, en France, environ 7 millions de personnes étrangères et chaque année, quelque 70 millions de touristes visitent l’Hexagone.
Lorsqu’ils ont des problèmes de santé, face à des praticiens qui ne parlent pas leur langue, l’explication des soins peut s’avérer difficile.
« Je prends quotidiennement en charge des patients non-francophones », souligne Sylvie Aubrun, infirmière anesthésiste au bloc opératoire de l’hôpital Lariboisière dans le 10e arrondissement de Paris.
L’infirmière n’est pas entièrement satisfaite de la prise en charge offerte à ces patients d’un point de vue médico-légal et en termes de qualité des soins. « Un soigné qui ne comprend pas ce que nous lui disons ne peut pas participer aux soins, indique-t-elle. Il est difficile d’obtenir son consentement éclairé. »
Des solutions variées  
Quelles solutions se présentent aux infirmières ? « Dans notre hôpital, nous pouvons avoir recours aux personnels ressources, c’est-à-dire aux professionnels de santé qui parlent une autre langue, rapporte Sylvie Aubrun. Mais ils doivent tout de même être disponibles, ce qui n’est pas toujours le cas. »
L’Assistance-Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) a également mis à disposition de son personnel un kit de communication afin d’améliorer la prise en charge des personnes ayant des difficultés d’expression et/ou de compréhension.
A l’hôpital Lariboisière, l’association Inter service migrant (ISM) Interprétariat tient des permanences avec des traducteurs professionnels. « Nous l’utilisons peu au bloc, ce sont surtout les consultations qui y ont recours », note Sylvie Aubrun.
Les services peuvent également utiliser la consultation téléphonique offerte par ISM Interprétariat (30 euros le ¼ d’heure). Cette association, composée d’une équipe de 326 interprètes traduisant 105 langues et dialectes, propose aussi des traductions avec un interprète qui se déplace ponctuellement au sein des services hospitaliers (115 euros la demi-journée de trois heures).
" Les infirmières accèdent directement à nos prestations," fait savoir Abdelaziz Tabouri, directeur par intérim de l’association. "Elles sont les premières à être en contact avec les patients non francophones et leur famille, et donc à être confrontées au problème de la langue. »
L’association intervient dans l’ensemble des hôpitaux de l’AP-HP, qui demeure son premier client, et par téléphone dans les grandes villes de province comme à Marseille ou Brest.
Un recours indispensable
Néanmoins, la majorité des infirmières ont encore recours à la « débrouille ».
Par exemple, certains patients viennent accompagnés de personnes leur servant de traducteur, ce qui peut poser des problèmes éthiques. « Le patient ne dit pas tout devant sa mère, son père ou son fils qui lui sert d’interprète », constate l’infirmière. « Avec des interprètes non-professionnels se pose la question de la confidentialité, du respect du secret médical et de l’intimité du patient », poursuit Abdelaziz Tabouri.
A l’inverse, les interprètes professionnels sont formés sur le cœur du métier avec les exigences éthiques, professionnelles et déontologiques que cela implique, et à leur secteur d’intervention. « Il est très important de communiquer clairement avec les patients", soutient Sylvie Aubrun en précisant qu’il y a encore beaucoup à faire pour offrir la prise en charge idéale. "Mais les contraintes budgétaires nous limitent. »
Selon Abdelaziz Tabouri, la question financière n’est pas le frein principal du recours aux services d’ISM Interprétariat. « Le premier obstacle vient du fait que le personnel ne connait pas nécessairement l’existence de notre service. Il faudrait le sensibiliser à la problématique de l’accueil de qualité des patients car ce n’est pas un interprétariat de confort. Il participe à la bonne gestion de la santé et à l’équilibre financier de l’hôpital car il permet d’éviter des hospitalisations et permet donc des économies d’échelle. »
Autant d’offres dont ne bénéficient pas les infirmières libérales, faute de financement. De fait, « elles se débrouillent comme elles peuvent », indique le Sniil. « Elles doivent certainement puiser dans leurs compétences personnelles ou alors avoir recours à la famille », souligne  Philippe Tisserand, président de la FNI.
Laure Martin

Fédérer les infirmières francophones dans le monde : Une utopie ?

Nombreux sont les syndicats, les associations, les ordres, les coordinations ou les regroupements qui se disent représentatifs de la profession infirmière. De quoi s’y perdre parfois. Éclairage sur le SIDIIEF (Secrétariat International Des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone), dont la mission est de faciliter le partage des expériences et des savoirs infirmiers à travers l’espace francophone.
« C’est édifiant de voir tout ce qui est édité en anglais et qui ne l’est jamais en français. La langue française n’est malheureusement pas une priorité au niveau mondial et même l’OMS ne diffuse pas et n’utilise pas une partie de nos ouvrages ». Catherine Buzy, infirmière puéricultrice, est membre du SIDIIEF, au travers de l’association à laquelle elle appartient.
Cette organisation représente à ses yeux, un véritable réseau d’échange et d’opportunités pour les infirmières.« Par son intermédiaire, nous pouvons diffuser nos informations dans un espace suffisamment grand pour que ça nous touche tous ».
"Fédérer les infirmiers de l’espace francophone"
Basé au Québec, avec une antenne européenne en Suisse, le SIDIIEF est une organisation internationale non gouvernementale. Outre ses missions de diffusion d’informations, il cherche à fédérer les infirmiers de l’espace francophone et à valoriser le développement de la compétence professionnelle.
« Par exemple, dans  le cadre de notre plan triennal, nous avons mandaté la faculté de sciences infirmières de l’université de Montréal pour réaliser une étude sur les profils de formations des infirmières dans une vingtaine de pays de la francophonie afin d’avoir une idée sur l’état de la situation. À l’issue des conclusions du rapport, nous avons constitué un comité de travail international et nous avons proposé un mémoire pour expliquer l’enjeu de la formation universitaire initiale pour les infirmiers, qu’ils soient dans les pays du Nord, où dans les pays du Sud » explique Hélène Salette, secrétaire générale du SIDIIEF.
Parmi les autres axes de développement du SIDIIEF, figurent l’appui à la condition de la femme dans le monde et la collaboration Nord-Sud. L’Afrique est fortement représentée au SIDIIEF, notamment en république démocratique du Congo. En France, 66 membres y adhèrent, dont 12 associations et 5 institutions comme l’AP-HP.
L’existence du secrétariat est en général bien accueilli des syndicats infirmiers. « Il est essentiel de promouvoir la profession. En France, nous sommes très en retard, notamment en termes de LMD. Quand on voit au Liban ou au Québec ce que les infirmières arrivent à faire, on en est loin. D’où l’importance d’une organisation comme le SIDIIEF. », estime Thierry Amouroux, secrétaire général du SNPI (Syndicat National des Professionnels Infirmiers).
Afin de réunir les professionnels de tous pays, le SIDIIEF organise en mai 2012 à Genève, son cinquième congrès mondial des infirmières et infirmiers francophones. 1500 infirmières y sont attendues pour partager leurs savoirs et contribuer au développement de la santé ainsi qu'à la qualité des soins offerts aux populations. Avis aux amateurs de conférences et de tables rondes.
Malika Surbled

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