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vendredi 2 septembre 2016
L’allergie : une affection chronique qu’il est dangereux de négliger
par Dr Stéphane Guez
Les maladies allergiques sont des affections chroniques. Nous le savons tous : l’allergie est une maladie inflammatoire liée à une particularité génétique de certains malades. Ils ont malheureusement la capacité de sécréter des anticorps responsables du déclenchement de la crise allergique.
Alors pourquoi l’inflammation allergique ne bénéficie-t-elle pas d’un traitement prolongé et adapté comme on peut le voir pour les inflammations rhumatismales par exemple ?
Médecins, vous n’êtes pas convaincus de l’utilité de prendre en charge la chronicité de la maladie allergique ?
Vous trouverez ici l’actualité des connaissances dans ce domaine qui vous permettront de traiter au mieux vos patients allergiques.
Ce dossier est professionnel, c’est à dire qu’il utilise un language médical. Si vous n’êtes pas professionnel de santé, lisez plutôt la version grand public.
Sommaire :
Définition :
1) Les maladies allergiques accidentelles
2) Les maladies allergiques
atopiques sont celles qui vont faire l’objet de ce dossier.
I- Maladies allergiques atopiques : affections chroniques de toute une vie
A : La crise aigue n’est que le sommet d’un iceberg, dont la partie immergée est constituée d’anomalies chroniques .
a) Le facteur génétique :
b) Le facteur environnemental:
B - La crise aigue entraîne des lésions chroniques au niveau des organes cibles
(nez, bronches, peau, œil) :
C - La crise allergique aigue favorise la récidive allergique :
D - L’allergie favorise aussi, par un effet d’amplification, l’apparition de nouvelles allergies :
a) Être allergique expose à la survenue d’une sensibilisation à de nouveaux allergènes :
b) Être allergique expose à la survenue de nouveaux symptômes pour la même sensibilisation :
II - Maladies allergiques : affections chroniques de toute une vie, donc prise en charge de toute une vie.
1) Le traitement de fond : contrainte ou libération ?
A - La qualité de vie : nouvelle mesure de l’efficacité des traitements des allergies :
B - Résultats des études prouvant l’efficacité des traitements chroniques par rapport aux traitements ponctuels de la crise :
a) Dans l’asthme persistant :
b) Dans la rhinite persistante :
C - Le traitement de fond repose en fait sur 2 notions : la prévention et la prise en charge thérapeutique proprement dite.
D- Mais traitement de fond ne veut pas dire traitement à vie.
2) Traitement chronique : comment favoriser l’observance ?
A- Les difficultés de la prise d’un traitement chronique :
B - Importance du facteur éducatif ou « un patient informé en vaut deux ».
Synthèse
Définition :
Il existe deux sortes de maladies allergiques : les maladies allergiques accidentelles et les maladies allergiques atopiques.
1) Les maladies allergiques accidentelles
Elles ne nécessitent pas, pour se développer, un terrain génétique particulier.
Elles peuvent affecter n’importe qui à n’importe quel moment de la vie.
C’est par exemple le cas de l’allergie aux médicaments ou de l’allergie aux venins d’hyménoptères.
L’allergie accidentelle est le plus souvent aigue et, une fois l’épisode symptomatique terminé, ne nécessite pas de traitement de fond particulier sauf dans le cas de l’allergie aux venins d’hyménoptères lorsqu’une désensibilisation est indispensable pour guérir définitivement l’allergie.
2) Les maladies allergiques atopiques sont celles qui vont faire l’objet de ce dossier.
Ces allergies sont les plus fréquentes et en augmentation constante depuis ces 20 dernières années.
Elles reposent sur un terrain génétique particulier encore mal connu.
Elles affectent les enfants mais aussi les adultes jeunes, avec des manifestations aussi variées que l’ eczéma atopique, la rhinite,
la conjonctivite, l’asthme, l’allergie alimentaire etc.
La maladie atopique est une entité particulière qui se développe de l’enfance à l’age adulte.
Le terrain atopique traduit la capacité d’un individu à fabriquer des anticorps allergiques ou IgE vis-à-vis d’antigènes communs de l’environnement.
Il peut se manifester de façon isolée par une dermatite atopique, une rhinite saisonnière, une rhinite perannuelle, ou un asthme.
Dans sa forme la plus complète, ce terrain se manifeste par la maladie atopique au cours de laquelle le patient développe successivement des IgE vis-à-vis de nombreux allergènes au fur et à mesure de leur rencontre.
Le problème est ici totalement différent des allergies accidentelles. Il est en effet primordial de comprendre qu’il s’agit de maladies chroniques, même si elles se manifestent la plupart du temps par des crises aigues.
Ne traiter que l’aspect aigu de ces maladies, en méconnaissant le caractère chronique des affections atopiques expose à une prise en charge incomplète.
La prise en charge sera insuffisante à court terme avec une moins bonne efficacité thérapeutique de la crise allergique aigue et à long terme avec l’apparition de lésions en particulier inflammatoires qui peuvent être définitives.
C’est ce que nous allons démontrer maintenant.
I- Maladies
allergiques atopiques : affections chroniques de toute une vie
A : La crise aigue n’est que le sommet d’un iceberg, dont la partie immergée est constituée d’anomalies chroniques .
Pour le patient il est tentant de penser que l’allergie est une manifestation aigue qui nécessite une prise en charge thérapeutique ponctuelle.
Malheureusement de nombreuses données aussi bien physiopathologiques que thérapeutiques démontrent qu’il n’en est rien.
En effet l’atopie repose sur l’association de 2 facteurs chroniques :
un facteur génétique un facteur environnemental.
a) Le facteur génétique :
Il est inné, faisant partie du patient donc chronique et définitif.
Il va accompagner le patient tout au long de sa vie dans la maladie atopique, se manifestant différemment selon les âges.
Dans sa forme typique, on observera la "marche de l’allergie" : eczéma atopique à la naissance, puis allergie alimentaire dans la petite enfance, puis allergie respiratoire à partir de 5-6 ans avec ou sans persistance de poussées de dermatite atopique.
Mais le plus souvent, le terrain atopique se manifeste par une forme unique d’allergie comme la rhinite saisonnière par exemple, qui peut débuter plus ou moins tôt dans la vie. Parfois, cette rhinite n’apparaît que tardivement à l’age adulte, sans que l’on comprenne encore bien pourquoi les gènes allergiques se mettent ainsi brusquement à s’exprimer.
Même s’il y a des périodes d’accalmie ou de répit, le patrimoine génétique restant le même, la maladie atopique (ou le terrain atopique) se manifestera à nouveau sous une forme ou une autre.
Ce terrain particulier favorise la formation d’IgE spécifiques vis-à-vis des nombreux pneumallergènes de l’environnement.
Donc, le patient a une mécanique immunoallergique qui est orientée vers la fabrication d’anticorps allergiques ou IgE spécifiques, et ce pour toute sa vie.Il sera donc vigilant et fera part de ce terrain particulier lorsqu’il devra recevoir certains médicaments particulièrement allergisants, ou subir une anesthésie générale, mais également devra en tenir compte dans le choix de ses loisirs et surtout de son métier en évitant ceux qui pourraient l’exposer à des allergènes puissants et connus (farines de boulangerie, allergènes des métiers de la coiffure etc.)
b) Le facteur environnemental :
Il expose de façon chronique à des allergènes toujours plus nombreux.
Pendant quelque temps on a pensé que l’éviction préventive des allergènes connus dans l’environnement des personnes atopiques pourrait prévenir l’apparition de la maladie allergique.
Les dernières études portant sur l’efficacité des mesures d’éviction démontrent qu’il est utopique de penser se débarrasser des pneumallergènes perannuels comme les acariens ou les allergènes du chat.
En effet, ces allergènes sont ubiquitaires, parfois véhiculés par les vêtements des personnes comme c’est le cas pour le chat. On retrouve parfois une sensibilisation à cet animal même chez un enfant qui n’a pas de chat chez lui, simplement parce que son camarade de classe en possède un et porte donc des allergènes sur ses vêtements.
Si le patient reste toujours en contact avec ces pneumallergènes, il y a une activation permanente de son système immunitaire qui est orienté de façon génétique vers la production d’IgE spécifiques. Il a donc toujours un taux élevé d’anticorps allergiques.
Donc, le patient peut à n’importe quel moment présenter une crise aigue de rhinite ou d’asthme en fonction de la concentration en allergènes de l’environnement.
Certaines études ont permis de déterminer des seuils au de-là desquels, par exemple, on peut développer une sensibilisation aux acariens, et à une concentration plus élevée une allergie.
Cependant, à moins de disposer d’un appareil de détection qui reste à inventer, permettant à tout moment de connaître la teneur d’un allergène dans l’air, l’allergique ne peut pas prévoir le degré d’infestation en particules allergisantes d’un environnement inconnu. Ou du moins, lorsqu’il le percevra, il sera trop tard car il aura une crise.
L’équilibre peut donc être rompu à la moindre modification de l’environnement, que dans la plupart des cas le patient n’est pas en mesure de contrôler.
Bien entendu cela est encore plus vrai pour les allergies saisonnières, ou en dehors de l’absence complète de contact avec l’extérieur, le patient ne peut pas éviter le contact avec les pollens.
La crise allergique aigue résulte en réalité de l’association d’une exposition chronique aux allergènes et d’un terrain génétique chronique particulier, le déclenchement de la crise étant provoqué lorsque le seuil de tolérance du patient est atteint.
Ce seuil est d’autant plus bas qu’il est plus allergique.
B - La crise aigue entraîne des lésions chroniques au niveau des
organes cibles (nez, bronches, peau, œil) :
Une fois la crise aigue terminée et que le patient respire de nouveau parfaitement bien ou n’a plus d’éternuement ni de rhinite, il pourrait penser que tout est rentré dans l’ordre.
Malheureusement il n’en est rien.
Cette crise allergique aigue résulte de facteurs chroniques génétiques et environnementaux, elle peut donc induire, à coté des manifestations aigues, des modifications permanentes au niveau des organes cibles.
En effet l’allergie est une fusée à plusieurs étages qui va entraîner des manifestations immédiates puis retardées.
Cette cascade d’événements successifs a été très bien d’écrite dans l’asthme allergique, mais s’applique également à toutes les manifestations allergiques comme la rhinite ou la conjonctivite allergiques, comme nous allons le voir maintenant.
Prenons pour modèle l’asthme allergique.
De nombreuses cellules sont activées lors de la crise d’asthme.
Certaines vont entraîner des manifestations immédiates, comme les mastocytes par l’intermédiaire de médiateurs néoformés et stockés dans des granules.
Mais d’autres médiateurs vont développer une réaction à plus long terme, de nature inflammatoire, qui va entraîner des modifications plus durables des muqueuses respiratoires.
Les éosinophiles représentent le pivot cellulaire majeur de cette inflammation qui est « pilotée » par les lymphocytes T. Parmi ces derniers, les lymphocytes CD4+ sont retrouvés en grande quantité alors qu’il y a peu de LT CD8+.
Ces LT CD4+ vont stimuler la réaction éosinophile, en produisant des cytokines qui vont augmenter la production médullaire des éosinophiles mais également leur activation et leur migration au niveau de la muqueuse respiratoire.
La conséquence la plus importante de cet afflux d’éosinophiles est la libération locale de protéines éosinophiles cationiques, de métallo-protéases et de facteurs de croissance qui vont entraîner des lésions tissulaires ainsi qu’une augmentation d’épaisseur de la membrane basale.
Il y a donc un lien direct entre l’infiltration éosinophile et le développement du remodelage bronchique, qui à long terme entraîne une réduction définitive du calibre des petites bronches.
Les cellules bronchiques épithéliales jouent un rôle important dans ce phénomène de remodelage bronchique par l’intermédiaire de la sécrétion de nombreux médiateurs comme la PGE2, la 15-HETE, la fibronectine, l’endothéline.
Ces cellules expriment également de nombreuses molécules d’adhésion qui vont permettre aux cellules de l’inflammation de passer du compartiment sanguin au compartiment tissulaire.
Il y a également production directement de molécules inflammatoires comme l’endothéline, du NO synthétase, diverses cytokines et chimiokines.
Enfin les cellules musculaires elles-mêmes, ainsi que les cellules du tissu conjonctif, vont également participer à l’inflammation et à la transformation de la muqueuse respiratoire.
Ainsi la réaction inflammatoire à l’origine de l’asthme, qu’elle soit secondaire à une réaction allergique ou à une irritation non spécifique liée à une infection virale ou à la pollution, est extrêmement complexe.
L’inflammation est responsable :
d’une part, du développement d’une hyperréactivité bronchiqued’autre part, de modifications parfois durables et définitives des petites bronches, encore appelées remodelage bronchique.
Toutes ces données, démontrées pour la muqueuse bronchique sont transposables à la muqueuse nasale qui est en continuité avec les bronches et se comporte de la même façon.
Un lien très étroit, non seulement anatomique mais également physiopathologique, lie le nez et les bronches comme nous le reverrons plus loin.
Ces notions physiopathologiques démontrent que l’allergie est responsable d’une cascade de réactions cellulaires qui s’auto-entretiennent.
Il est ainsi indispensable, sur le plan thérapeutique, d’avoir une action préventive et durable plutôt que de lutter contre tous les phénomènes déclenchés après la crise allergique puisqu’il y a un nombre considérable de médiateurs libérés.
Cette action préventive est tout aussi justifiée dans le traitement de la rhinite allergique, comme dans celui de l’asthme.
L’hyper réactivité nasale dans la rhinite allergique est proportionnelle au degré d’inflammation de la muqueuse.
Au début, cette hyper-réactivité est spécifique, déclenchée uniquement lors du contact avec les allergènes auxquels le patient est sensibilisé.
Mais ensuite, du fait du recrutement des cellules inflammatoires, cette hyper-réactivité entraînera des manifestations identiques à celles de l’allergie au moindre contact avec des facteurs irritants de l’environnement, comme la fumée de tabac, la pollution ou d’autres facteurs non spécifiques.
Le patient aura donc l’impression d’une aggravation et de devenir "allergique à tout".
C’est ce mécanisme cellulaire qui explique qu’un patient ayant une rhinite saisonnière qui est mal traitée, par exemple, va présenter des symptômes qui vont durer après la saison avec des manifestations d’éternuements au moindre changement de température ou en se levant le matin.
La persistance des symptômes après la saison est due à l’inflammation persistante qui entretient la symptomatologie.
Les données acquises au niveau des bronches en ce qui concerne l’atteinte muqueuse, peuvent également être transposées au nez.
Il apparaît que la rhino-sinusite chronique s’accompagne des mêmes modifications de remodelage que les bronches avec également un épaississement de la membrane basale qui peut devenir définitif entraînant une obstruction nasale permanente.
Les bronches et le nez ont aussi en commun l’augmentation de la concentration en leucotriènes cystéinées et de l’expression des récepteurs à ces leucotriènes. Les antileucotriènes ont donc une action thérapeutique aussi bien dans la rhinite que dans l’asthme allergique.
L’hyper-réactivité nasale est également proportionnelle au degré d’inflammation du nez : plus cette inflammation est importante, plus le nez sera réactif.
Au début, il le sera à des facteurs spécifiques, puis si l’inflammation n’est pas correctement traitée il le deviendra aussi à des facteurs non spécifiques, c’est-à-dire n’importe quel facteur irritant ayant la capacité de stimuler la muqueuse nasale, exactement comme la muqueuse bronchique.
Les maladies allergiques sont des affections chroniques qui se manifestent par des crises aigues.
Mais de façon plus pernicieuse il y a parallèlement développement d’une inflammation au niveau des muqueuses respiratoires entraînant le développement d’une hyper-réactivité avec des dégâts muqueux (remodelage) parfois définitifs.
C - La crise allergique aigue favorise la récidive allergique :
Il existe un effet « trigger » ou « déclencheur » des médiateurs mastocytaires sur les cellules de l’allergie, favorisant lors d’un nouveau contact avec l’allergène des manifestations allergiques encore plus rapides et plus violentes.
On explique ainsi la montée en puissance observée chez un patient ayant une rhinite saisonnière, au fur et à mesure que la saison avance, même s’il n’y a pas de modification importante des concentrations en allergènes dans l’atmosphère.
Plus il souffre de crises aigues plus il devient sensible à l’environnement.
Il existe donc une véritable spirale positive qui aggrave progressivement le nombre et l’intensité des crises allergiques ainsi que leur retentissement sur les muqueuses.
Il est donc indispensable de traiter le patient dés la première crise et de prévenir les crises suivantes pour éviter cet effet d’auto-entretien qui risque de conduire à une intensification de la thérapeutique avec souvent la nécessité de prescrire des corticoïdes à fortes doses par voie générale.
D - L’allergie favorise aussi, par un effet d’amplification, l’apparition de nouvelles allergies :
C’est là un point très important qui justifie une prise en charge précoce de l’allergie dès l’enfance pour prévenir une aggravation du terrain atopique au cours de la vie.
a) Être allergique expose à la survenue d’une sensibilisation à de nouveaux allergènes :
Non traitée, l’allergie expose au risque d’apparition de sensibilisations à de nouveaux allergènes.
L’équipe de Bousquet et col. par exemple, a bien montré que la prise en charge de la maladie atopique par une désensibilisation précoce pouvait prévenir l’apparition de nouvelles allergies.
Ainsi chez un groupe d’enfants non traités, après 5 ans, on constate une polysensibilisation avec des allergies non seulement aux acariens mais également à de nombreux pollens alors que dans le groupe traité au long cours, il y a une nette diminution, statistiquement significative, du nombre de ces nouvelles allergies.
Le traitement précoce et prolongé de l’allergie peut donc prévenir le développement de nouvelles sensibilisations.
b) Être allergique expose à la survenue de nouveaux symptômes pour la même sensibilisation :
En l’absence de traitement au long cours, on peut observer une aggravation des symptômes avec des manifestations cliniques touchant de nouveaux organes cibles.
L’exemple typique est le lien qui existe entre rhinite et asthme.
Des méta-analyses récentes ont confirmé ce lien très particulier entre le nez et les bronches, en montrant que le dépistage systématique d’une rhinite allergique et son traitement précoce permet d’éviter l’apparition d’un asthme chez un certain nombre de patients.
Chez les patients ayant une rhinite et un asthme, plusieurs études ont démontré que le traitement de la rhinite associée, entraîne une réduction significative du nombre des exacerbations bronchiques, avec une diminution significative du nombre des crises et des recours aux services d’urgences. (JACI Corren)
Enfin il est démontré que le traitement de l’inflammation nasale par un traitement à base de corticoïdes topiques va entraîner une diminution de l’inflammation bronchique mesurée par la production de NO.
Le mécanisme exact par lequel l’inflammation allergique nasale déclenche l’asthme n’est pas encore bien connu mais fait intervenir des médiateurs qui pourraient circuler par voie sanguine ou par continuité au niveau de la muqueuse respiratoire.
Cette donnée est un argument supplémentaire pour proposer une prise en charge thérapeutique précoce et durable d’une allergie nasale, afin de protéger les bronches du patient.
L’idéal serait de disposer d’un ou plusieurs marqueurs qui permettraient de dépister les patients ayant le risque de voir leur rhinite évoluer vers un asthme.
En l’absence actuelle de ce type de marqueur il est plus sage de protéger l’ensemble des patients en proposant une bonne prise en charge de l’allergie nasale pour éviter l’apparition d’un asthme, bien plus inquiétant et invalidant pour le patient.
Les maladies allergiques se manifestent par des crises aigues, qui ne sont que le reflet d’une affection chronique qui ne demande qu’à se manifester à la moindre occasion en fonction des allergènes de l’environnement.
Ces manifestations aigues entraînent des modifications tissulaires et cellulaires chroniques moins bruyantes qui, à court et à long terme, vont d’une part aggraver les manifestations allergiques et d’autre part entraîner une dégradation de la qualité de vie du patient allergique.
Il est donc logique que le traitement ne repose pas sur le traitement de la crise aigue mais sur la prise en charge du terrain allergique chronique pendant toute la durée d’exposition aux allergènes.
II - Maladies allergiques : affections chroniques de toute une vie, donc prise en charge de toute une vie.
1) Le traitement de fond : contrainte ou libération ?
La thérapeutique de fond ne doit pas être considérée comme une contrainte mais au contraire comme le moyen de gagner en liberté et en sérénité pour mener une vie la plus proche possible de celle des patients non allergiques.
Il faut que le prescripteur soit convaincu de l’importance du traitement qui permettra une vie normale et évitera l’évolution de la maladie allergique vers l’aggravation.
A - La qualité de vie : nouvelle mesure de l’efficacité des traitements des allergies :
Depuis plusieurs années, il est apparu aux cliniciens qu’il était trop réducteur de considérer l’efficacité d’un traitement en se basant uniquement sur l’amélioration des symptômes ou de quelques paramètres comme le degré d’obstruction nasale ou bronchique.
L’état de bonne santé est le but recherché par un traitement, et c’est le seul objectif qui va satisfaire le patient.
S’il est possible de retrouver cet état de bonne santé, alors il est possible pour le médecin de justifier un traitement chronique qui est, par principe, une gêne pour le patient.
Actuellement donc, dans de nombreuses études portant sur les traitements de l’allergie, en particulier dans la rhinite et dans l’asthme, l’objectif principal est d’améliorer de façon significative un score de qualité de vie qui repose sur plusieurs items.
Ce score tient compte bien entendu des symptômes les plus gênants comme les éternuements, l’obstruction ou le prurit nasal, mais également le retentissement des allergies : céphalées, fatigue, gêne au travail et pour les loisirs et les effets indésirables éventuels des traitements proposés.
Les études montrent qu’un traitement pris de façon continue, quotidienne et prolongée traite mieux l’affection allergique (rhinite ou asthme) avec un meilleur résultat en terme d’amélioration de la qualité de vie.
B - Résultats des études prouvant l’efficacité des traitements chroniques par rapport aux traitements ponctuels de la crise :
a) Dans l’asthme persistant :
Le traitement de fond va améliorer la qualité de vie du patient mais va également diminuer le nombre de recours aux services d’urgences et surtout la mortalité liée à l’asthme.
Ceci a été parfaitement prouvé depuis de nombreuses années, et l’effort des médecins depuis ces 20 dernières années a été de diffuser ce message.
Il est ainsi bien démontré qu’un traitement de fond va réduire encore la mortalité qui est en cours de diminution dans l’ensemble des pays depuis la généralisation du traitement de fond favorisée par la large diffusion des conférences de consensus sur la prise en charge de l’asthme.
b) Dans la rhinite persistante :
Étant donné les similitudes physiopathologiques entre l’asthme et la rhinite, il est logique de penser qu’une même prise en charge thérapeutique peut être efficace dans la rhinite allergique.
Depuis la diffusion des résultats d’un consensus connu sous le nom de ARIA (allergic rhinitis and its impact on asthma), la rhinite est classée en :
-rhinite intermittente (moins de 4 jours par semaine ou moins de 4 semaines consécutives)
-rhinite persistante (plus de 4 jours par semaine et plus de 4 semaines consécutives), avec des formes modérées à sévères.
Dans les formes persistantes le traitement de fond est plus efficace qu’un traitement à la demande.
Cela est particulièrement vrai pour les corticoïdes locaux mais qui n’ont pas une action immédiate au niveau de la muqueuse nasale et nécessitent environ 2 semaines pour un plein effet thérapeutique.
La diminution de l’obstruction nasale sera supérieure lors d’un traitement de fond par rapport à un traitement discontinu. (JACI).
Dans la rhinite intermittente, la rhinite allergique a une place à part puisque selon la saison pollinique et le pollen en cause, le risque allergique va durer de 1 à 2 semaines jusqu’à quelques mois.
Contrairement à la rhinite perannuelle (aux acariens par exemple), le patient ne devrait avoir aucune symptomatologie lorsque la saison pollinique est terminée, celle-ci étant par définition limitée dans le temps. Pendant la durée de la saison pollinique, un traitement continu aura un effet supérieur à un traitement discontinu.
Ce traitement de fond améliore significativement la qualité de vie du patient qui peut parfois être très dégradée lors d‘une saison pollinique intense.
Les études montrent qu’un traitement pris de façon continue, quotidienne et prolongée traite mieux l’affection allergique (rhinite ou asthme) avec un meilleur résultat en terme d’amélioration de la qualité de vie.
C - Le traitement de fond repose en fait sur 2 notions : la prévention et la prise en charge thérapeutique proprement dite.
La prévention est fondamentale et doit s’appliquer aux pneumallergènes autant que faire se peut, mais également à tous les facteurs irritants ou nocifs de l’environnement.
Cela passe bien entendu par l’arrêt du tabagisme actif et passif mais également par la protection dans le milieu professionnel de la muqueuse respiratoire.
Même si les effets réels de l’efficacité de la prévention dans le monde du travail ne sont pas démontrés pour des raisons méthodologiques, il est très clair que l’absence de prévention chez des patients soumis à une pollution professionnelle respiratoire entraîne une augmentation significative des maladies respiratoires allergiques ou non, comme la rhinite, l’asthme et la BPCO. Le coût pour la collectivité est majeur.
Au quotidien, la lutte contre les pneumallergènes est difficile.
Il est surprenant de constater que si beaucoup d’études ont bien démontré le lien entre une forte exposition aux allergènes et les risques augmentés de développer une sensibilisation et une allergie, il y a très peu d’études sur les effets de l’éviction des allergènes.
En particulier nous ne disposons pas d’études démontrant de façon claire les résultats des mesures d’éviction sur les manifestations de rhinite ou d’asthme, ni sur les modalités des mesures d’éviction à proposer : quelle(s) méthode(s) ?, quel(s) taux faut-il atteindre en terme de concentration allergénique dans l’environnement ?
D’autre part de nombreux allergènes sont ubiquitaires et rencontrés dans un grand nombre de sites rendant en pratique cette éviction utopique (chat, pollens etc..).
Le traitement médicamenteux est donc le plus souvent nécessaire.
Dans tous les cas où il n’est pas possible au patient de maîtriser son environnement, un traitementpréventif s’impose pour diminuer le nombre des crises et leur retentissement.
Il devra être quotidien durant toute la durée de l’ exposition allergénique.
D- Mais traitement de fond ne veut pas dire traitement à vie.
En effet la rhinite et l’asthme sont des maladies qui évoluent dans le temps chez un même patient.
Cette variabilité nécessite une réévaluation régulière pour réadapter le traitement de fond qui peut être augmenté ou au contraire diminué voir interrompu.
En dehors des modifications de l’environnement qui vont influer sur les symptômes du patient, il existe des variations dont les mécanismes sont encore mal connus, fonction certainement de facteurshormonaux, expliquant des améliorations souvent constatées par exemple à l’adolescence mais avec souvent des rechutes après l’âge de 20 ou 30 ans.
D’autre part, le traitement efficace des conséquences inflammatoires de l’allergie permettrad’alléger la prise en charge puisque l’hyper-réactivité va diminuer entraînant une diminution du nombre de crises aigues.
2) Traitement chronique : comment favoriser l’observance ?
A- Les difficultés de la prise d’un traitement chronique :
Si en réalité beaucoup de patients sont convaincus de l’intérêt d’un traitement continu (ou chronique) pour maîtriser au long cours leur affection allergique, le problème est surtout lié à la prise quotidienne d’un médicament.
Les chiffres sur le suivi réel d’un traitement de fond sont assez décevants, prouvant qu’il ne faut pas seulement prescrire mais s’assurer du suivi de cette prescription.
Il est donc très important de prendre le temps nécessaire, avec le patient, pourrecherchercomment rendre cette observance au long cours possible et satisfaisante.
B - Importance du facteur éducatif ou « un patient informéen vaut deux ».
Pour adhérer à la proposition thérapeutique, grâce à l’information et à l’éducation dispensées par le médecin,le patient devra :
-comprendre son affection,comprendre la prise en charge thérapeutique,
-comprendre à quoi servent les différents médicaments proposés,
-en connaître éventuellement les effets indésirables au long cours. Ce dernier problème doit être abordé avec le patient afin de le dédramatiser et d’éviter les non-dits.
Le médecin, quant à lui, s’appliquera à :
-réduire le nombre des médicaments aux seuls molécules indispensables,
-rechercher la plus petite dose efficace,
-proposera à bon escient une désensibilisation lorsque celle-ci est possible.
Il faut impliquer la famille en particulier chez les enfants ayant une
rhinite ou un asthme allergique pour aider le patient à vivre avec
son affection.
L’enseignement est primordial pour permettre une bonne adhésion du patient à son traitement.
Le premier point est de bien écouter le patient pour comprendre comment il vit sa maladie et quelles sont les manifestations qui réellement perturbent sa vie. Le praticien cherchera alors à apporter des réponses précises thérapeutiques au patient, qui suivra d’autant mieux son traitement qu’il en verra un effet bénéfique immédiat.
Il faut donc avec le patient définir des objectifs thérapeutiques avec un tableau des « échéances » dans la réalisation de ces objectifs.
Le patient doit par ailleurs suffisamment comprendre le mécanisme de sa maladie pour pouvoir gérer lui-même des situations de crises qu’il est impossible de prévoir de façon exhaustive. Le médecin doit donc fournir un schéma clair permettant ensuite aux patients de se débrouiller seul dans la plupart des situations qu’il pourrait rencontrer dans sa vie personnelle ou professionnelle.
Les écoles de l’asthme apportent beaucoup de réponses aux patients sur la compréhension de leur maladie, sur l’intérêt du traitement de fond et sur la gestion des crises aigues.
Les écoles de l’allergique aident également les patients aussi bien pour la rhinite que l’allergie alimentaire à comprendre et connaître leur maladie et leur traitement.
Enfin il ne faut pas oublier que le « médecin propose » et le «patient dispose ».
Le traitement sera un compromis entre les données scientifiques exposées par le médecin et la réception personnelle de ces données par le patient. Un compromis accepté par les deux parties sera plus efficace qu’un traitement parfait pour le médecin mais non suivi par le patient.
Il est cependant certain que dans l’asthme persistant seul un traitement de fond permet d’obtenir une réelle amélioration de la fonction respiratoire à court et long terme. Par contre les modalités de ce traitement de fond doivent être discutées.
Puisque le traitement des maladies allergiques repose sur un traitement de fond, soit saisonnier en cas d’allergie aux pollens soit toute l’année pour les allergies per-annuelles, il est indispensable d’informer le patient.
Il faut lui expliquer pourquoi un traitement au long cours est bénéfique, les avantages et les inconvénients de ce traitement.Synthèse :
La prise en charge des maladies allergiques repose sur une logique dictée par les connaissances physiopathologiques de cette affection et par les données aussi bien épidémiologiques que thérapeutiques maintenant disponibles.
Les maladies allergiques se manifestent par des symptômes aigus qui sont le plus souvent pénibles et angoissants pour le patient.
Ces maladies allergiques sont secondaires à un terrain chronique : une particularité génétique associée à la vie dans un environnement riche en allergènes.
Les crises aigues sont suivies d’une phase inflammatoire chronique qui entraîne une hyper réactivité de l’organe cible et favorise une réaction non spécifique à tous les irritants de l’environnement. Cette phase retardée, si elle n’est pas traitée, va favoriser la pérennisation des manifestations aigues qui seront plus fréquentes et plus intenses.
Un traitement prolongé, encore appelé traitement de fond, va diminuer la fréquence et l’importance des manifestations allergiques aigues et va permettre le traitement et la prévention de la phase inflammatoire retardée.
Ce traitement de fond va donc, à terme, améliorer la qualité de vie de l’allergique et lui permettre d’évoluer sans problème dans un monde hostile sur le plan allergénique.
La prise en charge des allergies atopiques aigues repose donc sur un traitement de fond prolongé.
http://www.allergique.org
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