jeudi 14 février 2013

BPCO : une pathologie encore mal connue















A l'occasion du 17è congrès de Pneumologie de Langue Française qui se déroulera du 1er au 3 février 2013 à Lille, le Président de l'association BPCO Yves Grillet nous livre quelques éléments indispensables à connaître sur la réalité de la BPCO en France.


Tout comme le cancer et les maladies cardio-vasculaires, la Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive (BPCO) est un fléau du tabac. 80% des cas lui sont imputables. Mais à l’inverse des deux maladies précitées, elle reste toujours mal connue du grand public. La maladie se caractérise de façon extrêmement insidieuse par une diminution irréversible des débits expiratoires. En d’autres termes, du souffle. Les premiers symptômes peuvent se développer à partir de 15 ans de tabagisme. Diagnostiquée trop tard, elle expose à des risques graves de handicap : essoufflement ou dyspnée au moindre effort nécessitant dans les cas les plus graves une assistance respiratoire permanente. 3,5 millions de personnes sont touchées par la maladie soit 8% de la population française, dont 2/3 l’ignorent. Les hospitalisations dues à la BPCO sont évaluées à 800.000 et les décès à 16.000 chaque année en France, soit 3 fois plus que les accidents de la route. Plus sombre perspective encore, donnée cette fois par l’OMS : la BPCO sera en 2020 la 3ème cause de mortalité dans le monde…

Une enquête de la Fédération Française des Associations et Amicales de malades Insuffisants ou handicapés Respiratoires (FFAAIR) visant à connaître l’avis de patients BPCO sur leurs symptômes et leur ancienneté, le parcours de soin, la connaissance de la maladie et de l’âge pulmonaire a récemment été conduite. Elle suggère la fréquence de l’exposition passive aux toxiques inhalés, des signes généraux, des comorbidités et des signes classiques évocateurs de BPCO souvent présents bien avant le diagnostic.

« 3,5 millions de personnes sont touchées par la maladie soit 8% de la population française, dont 2/3 l’ignorent »

Les investigateurs de cette étude ont, en premier lieux, relevé ceux dominés par la dyspnée et la toux, ainsi que dans 2/3 des cas des signes d’asthénie, des troubles thymiques, ou encore d’amaigrissement. Ces derniers motivent la consultation chez le généraliste, mais le diagnostic est posé par le pneumologue dans 91% des cas. Dans 39% des cas, le délai entre les premiers symptômes et le diagnostic dépasse 4 ans. Enfin, faits révélateurs résultant d’un questionnaire donné aux patients : le terme BPCO est inconnu dans 80% des cas, le stade de la maladie dans 63% des cas et l’âge pulmonaire dans près de 90%. La BPCO est une maladie qui ne se manifeste donc pas de façon spectaculaire. Son début est très progressif. La dyspnée apparaissant lentement, les personnes touchées réduisent leurs activités physiques presque inconsciemment et quand elles se sentent essoufflées lors d’effort inhabituels, il est souvent trop tard. D’où l’intérêt d’une détection précoce en présence du principal facteurs de risque : le tabac. Dans la pratique, une personne qui a fumé l’équivalent d’un paquet par jour pendant quinze ans devrait être dépistée. En ce sens, des sujets jeunes, s’ils ont commencé le tabac entre 15 et 17 ans, peuvent être dépistés BPCO pratiquement dès l’âge de 30 ans. Cette incidence jeune est un des nouveaux visages de la maladie.
BPCO : Un nouveau visage ?
Plus de femmes

Un autre aspect méconnu de la maladie tient à la proportion croissante de femmes atteintes. Ayant largement rattrapé leur retard sur les hommes quant à leur niveau de tabagisme, elles représentaient 40% des malades en 2005. Les données scientifiques disponibles font état en outre d’une plus grande sensibilité des femmes aux méfaits du tabac. Elles seraient donc, en comparaison aux hommes, potentiellement plus fragiles face à la maladie obstructive. Une étude française a exploré ce point par l’analyse des données de la cohorte Initiatives BPCO. Ses conclusions sont claires. L’expression de la BPCO diffère effectivement entre hommes et femmes. Ces dernières ont, à âge et Volume Expiratoire Maximal par Seconde (VEMS) égal, un score de sévérité de la maladie (score BODE) plus élevé. En raison d’une dyspnée plus marquée et d’un IMC plus bas, une anxiété plus fréquente et, parmi les facteurs de risque, des expositions professionnelles plus rares.
Tabac et cannabis : pas une simple addition

Si le risque carcinologique du cannabisme reste indiscutable, son rôle dans la BPCO est de plus en plus évoqué. Un lien entre cannabis et BPCO, voire emphysème, est suggéré par de nombreuses études. A l’heure où la consommation de cannabis tend à être banalisée, il est urgent de rappeler sa nocivité, généralement bien moins connue que celle du tabac. Les effets respiratoires de la consommation régulière de cannabis sont difficiles à étudier. En raison, d’une part du caractère illicite de cette drogue dans de nombreux pays, rendant difficile le recrutement de sujets pour des études, et d’autre part de son association fréquente au tabagisme, compliquant l’analyse de l’imputabilité propre de la drogue dans les effets respiratoires observés. Pour autant, quelques points clés plaident en sa défaveur dans le cadre de la BPCO : Le cannabis consommé aujourd’hui a des teneurs en THC (tétrahydrocannabinol) quinze fois supérieures à celles du cannabis des années 60,

« Le cannabis consommé aujourd’hui a des teneurs en THC (tétrahydrocannabinol) quinze fois supérieures à celles du cannabis des années 60 »

rendant obsolètes les conclusions des études longitudinales menées à cette époque. Le fumeur de cannabis « tire »des bouffées plus importantes (+ 66%), qu’il inhale plus profondément (+ 33%) et qu’il retient plus longtemps que le fumeur de tabac. La consommation quotidienne de 3 à 4 cigarettes de cannabis peut, en termes de bronchite chronique et d’altérations du mucus bronchique, être comparée à la consommation de 20 cigarettes par jour.
BPCO : plus vieux, plus vite…

La Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive serait associée à une dysfonction des télomères et à un vieillissement prématuré. Une équipe pluridisciplinaire du CHU de Créteil a étudié cette hypothèse encore méconnue. Le constat est un vieillissement prématuré, évalué par une diminution de la densité osseuse et de la masse musculaire, survenant chez les patients BPCO et les fumeurs à capacité de diffusion du CO basse. Cela suggère que la destruction du poumon et l’emphysème sont le principal facteur conduisant au vieillissement prématuré chez les patients BPCO et les fumeurs.
BPCO non tabagique

On considère que 20 à 25% des BPCO atteignent des sujets non tabagiques, chiffre loin d’être négligeable au vue de malades qui se comptent par millions. Plusieurs facteurs dits professionnels, qui représentent 15 % des BPCO non tabagiques, sont aujourd’hui bien établis et dans cet axe, le rôle des médecins du travail est capital. Industrie minière, bâtiment, travaux public, pour les mêmes raisons (empoussièrage), fonderie, sidérurgie, textile, ou encore métiers agricoles, céréaliers ou producteurs laitiers... à propos de ce dernier secteur d’activité, une équipe de Besançon a récemment conduit une étude pointant les différences d’expression de la maladie par rapport aux BPCO tabagiques. Une augmentation de la rigidité artérielle et une activation excessive du système végétatif sont deux éléments associés à un risque accru d’événements cardiovasculaires chez les patients porteurs de BPCO post-tabagique. L’essai a donc étudié cette association dans la BPCO professionnelle qui touche les producteurs laitiers (BPCO-laitiers). Verdict : chez des patients porteurs d’une BPCO peu sévère, les marqueurs de risque cardiovasculaire retrouvés chez les BPCO-tabac ne le sont pas dans la BPCO-laitiers. Outre les causes professionnelles aujourd’hui bien établies, un certains nombre de facteurs environnementaux bien que largement suspectés, notamment ceux dus à la pollution, n’ont pas encore été totalement et scientifiquement identifiés comme néfastes dans la littérature scientifique. De nombreuses études, micro particules, gaz diesel… en font l’objet.
BPCO : quels traitements ?

Si la BPCO offre de multiples visages, elle conserve toutefois une issue commune à tous : le caractère irréversible du rétrécissement progressif du calibre des bronches. Les bronchodilatateurs restent la classe thérapeutique de choix dans sa prise en charge médicamenteuse. Différents médicaments y sont ensuite combinés en fonction de la sévérité de la maladie, classée en 4 stades, eux mêmes découlant du degrés de sévérité de l’obstruction bronchique selon le VEMS : soit léger, modéré, sévère et très sévère. Le VEMS ou « Volume expiratoire maximal par seconde » correspond au volume d’air expiré pendant la première seconde d’une expiration dite « forcée », suite à une inspiration profonde à partir d’une expiration complète. Il est mesuré par la spirométrie. Si des progrès dans la prise en charge médicamenteuse ont été réalisés ces dix dernières années, il convient d’insister sur le fait que les médicaments seuls ne suffisent pas. Bien entendu, à l’image du sevrage tabagique incontournable dans la prise en charge, la soustraction au risque professionnel lorsqu’il est avéré, est également capitale. Un autre facteur pèse également sur le devenir des patients : leur niveau d’activité physique conservé, ou s’il est inexistant, le ré-entrainement à l’exercice auquel ils sont prêts à se soumettre et qui fait partie intégrante de la réhabilitation respiratoire. Nulle question ici de perspective d’augmentation de la capacité respiratoire mais de rendement. Le but du ré-entrainement à l’effort : obtenir de bien meilleures performances physiques grâce à l’entraînement pour un même volume pulmonaire. Ce n’est possible pour l’instant qu’en centre spécialisés, non remboursé en ambulatoire par la Sécurité sociale pour un acte pourtant reconnu incontournable par la HAS…
Formes sévères : une technique d’avenir

Dans les formes emphysémateuses de la BPCO, il existe un phénomène de trappage de l’air dans les poumons, produisant des bulles qui éclatent les parois des alvéoles. La réduction volumique endo-bronchique par spirales dans l’emphysème sévère permet la mise en place de minuscules valves qui permettent aux bronches de rester perméables et empêchent le trappage de l’air dans les territoires périphériques. Une étude européenne de faisabilité de cette technique dans l’emphysème sévère montre la faible morbidité (par rapport à la chirurgie) et l’amélioration clinique et fonctionnelle apportée par celle-ci. De plus, une évaluation médico-économique est en cours dans plusieurs centres hospitaliers français (Reims, Nice, Strasbourg, Rouen, Amiens, Paris-Bichat, Strasbourg, Grenoble, Saint Etienne, Montpellier, Marseille). Elle inclura 100 patients suivis pendant un an. Au critère d’évaluation principal, l’amélioration du test de marche de 6 minutes, à 6 mois, viendra s’ajouter l’estimation du coût de cette procédure innovante et prometteuse, en comparaison de celui du traitement conventionnel.

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