jeudi 14 février 2019

La prévalence des infections associés aux soins stagne depuis 2006 en France !
















Dans un rapport paru ce mois de février, la Cour des comptes fait le point sur les infections associées aux soins (IAS) et les actions mises en application pour les prévenir. D’après le texte, les résultats sont insuffisants, et pour les améliorer les idées ne manquent pas : réduire la consommation d’antibiotiques, réviser la composition des équipes d’hygiène des hôpitaux, réaliser une enquête pour établir la prévalence des infections dans le secteur de ville, revenir à l’obligation de vaccination contre la grippe des soignants...

La prévalence des infections associés aux soins stagne depuis 2006 !
Infections associées aux soins : on compte ainsi encore maintenant 470 000 patients touchés par année

De nombreuses actions ont été mises en œuvre pour réduire les infections nosocomiales. Celles-ci ont permis une diminution, puis une stabilisation de la prévalence des patients infectés à l’hôpital qui est aujourd’hui de l’ordre de 5%. On compte ainsi 470 000 patients infectés par année. Si la plupart de ces infections demeurent au stade d’un inconfort transitoire, elles peuvent malheureusement quelquefois avoir des conséquences beaucoup plus graves. On estime qu’en France elles seraient la cause directe de 4000 décès. De plus, on ignore la prévalence de ces infections liées aux soins (IAS) en ville ou dans les centres médico-sociaux comme les EHPAD.

C’est pourquoi la Cour des comptes s’est penchée sur ce problème dans son rapport public annuel 2019. Après avoir remarqué des lacunes dans la prévention, les règles d’hygiène et les prescriptions d’antibiotiques, les sages ont émis différentes préconisations pour tenter d’améliorer ces résultats qui stagnent depuis 2006. Selon les données de l’enquête de 2017 de Santé publique France, un patient hospitalisé sur 20 présente au moins une infection nosocomiale. Par ailleurs, la distinction entre infections évitables ou non est malaisée car elle ne fait l’objet d’aucune étude en France remarque le rapport. Il ressort toutefois de l’examen des données de l’AP-HP que, parmi les dossiers amiables ou contentieux en cours pour des IAS, la proportion de celles consécutives à des fautes (et donc évitables) représente entre 15% et 24%.

Assurer l’extension de la surveillance aux secteurs de ville et médico-sociaux
Les magistrats de la rue de Cambon notent des faiblesses majeures dont une prévention cloisonnée. Malgré les efforts effectués avec l’élargissement en 2007 de la notion d’infection nosocomiale à celle d’infection associé aux soins afin d’inclure les secteurs de ville et médico-sociaux, la politique publique de prévention demeure centrée sur les établissements de santé. Or, avec le virage ambulatoire, de plus en plus de gestes invasifs sont et seront réalisés en ville. D’autre part, le risque d’infection semble largement sous-estimé par les professionnels de santé du secteur : une enquête de 2013 révélait que 70% des répondants le considéraient comme peu important, voire nul. D’où pour la Cour, la nécessité de faire une enquête sur la prévalence des infections liées aux soins de ville auprès des professionnels de santé libéraux et ainsi en dégager des actions à développer.

Dans le champ médico-social, de nombreux obstacles subsistent. De manière générale, les établissements médico-sociaux sont des lieux de vie où les contacts rapprochés entre résidents et professionnels favorisent la transmission de germes. De plus, ils sont souvent de taille critique ne permettant pas d’affecter du personnel à temps plein à l’hygiène surtout en ce moment où ils souffrent de sous-effectifs médicaux et infirmiers. Des mesures ont néanmoins été prises dernièrement, chaque établissement devait d’ici fin 2018 entamer une démarche d’évaluation des risques infectieux et l’élaboration d’un programme d’action. De même, certaines agences régionales de santé (ARS) ont expérimenté la mise en place d’équipes mobiles d’hygiène composés d’infirmiers ou de professionnels de plusieurs disciplines.

Seuls 700 hôpitaux environ sur près de 2700 ont signalé au moins un IAS dans l’année "ce qui interroge quant aux 2000 autres…"

Redimensionner les équipes d’hygiène et recourir davantage aux indicateurs de qualité
Pour la Cour des comptes, les textes réglementaires ne sont ni très exigeants ni assez précis sur les compétences des équipes d’hygiène. Malgré cela, les objectifs ne sont pas remplis : le ratio de médecin était atteint par 74% des établissements et celui d’infirmier par 84%. En outre, il est compliqué de constituer des équipes complètes alors que les personnels sont en sous-effectifs, d’autant plus que ces équipes ne font pas l’objet d’un financement spécifique dans le cadre de la tarification à l’activité. D’où l’intérêt de redéfinir le concept d’équipes d’hygiène. Il a été par exemple envisager de constituer une équipe du GHT, centralisée dans un établissement du groupe tout en conservant des relais de proximité dans les autres lieux de soins associés. La question du financement doit également être revue.

Autre problème : les signalements externes des infections nosocomiales du fait de l’absence de déclarations dans un certain nombre d’établissements. En effet, seuls 700 hôpitaux environ sur près de 2700 ont signalé au moins un IAS dans l’année ce qui interroge quant aux 2000 autres. Les magistrats suggèrent qu’un suivi doit être mis en œuvre auprès des établissements non déclarants pour découvrir les raisons de cet absentéisme.

Dans le même registre, le texte rappelle que des indicateurs nationaux visant à évaluer les actions des hôpitaux dans la lutte contre les infections associées aux soins ont été mis en place en 2006. Il est souligné dans le rapport que si les établissements sont supposés publier leurs résultats ce n’est pas toujours le cas. La Cour des comptes préconise donc aux ARS d’orienter leurs inspections en priorité vers les établissements les moins bien notés. Elles devraient, par la suite, accompagner les mises à niveau nécessaires et, le cas échéant, remettre en cause les autorisations délivrées.

Dans un centre hospitalier visité par la Cour, les membres de la commission des usagers déplorent encore de croiser des professionnels en blouse de travail à l’extérieur des services de soins pour déjeuner ou fumer.

Responsabiliser davantage les acteurs de santé
D’autre part, alors que les mesures préventives d’hygiènes sont déterminantes, elles demeurent trop souvent méconnues et insuffisamment mises en application par les professionnels. Pour pallier cela, la formation des soignants (initiale comme continue) devrait être renforcée. Par exemple, concernant les infirmiers, "le volume de formation représente 5% de la totalité des heures d’enseignement".

Plus précisément, certains éléments montrent clairement des négligences concernant les règles d’hygiène. Les rapports de la Haute Autorité de Santé (HAS) illustrent des faiblesses en matière de gestion du risque infectieux et mettent en évidence l’inadéquation de l’état des équipements et des locaux. Exemple cité par la Cour sur l’hygiène des mains : en 2016 la moitié des établissements ont commandé des quantités de solutions hydro-alcooliques inférieures aux deux tiers de leur objectif minimum personnalisé de consommation.

En parallèle, les magistrats considèrent l’augmentation de la couverture vaccinale des professionnels de santé comme un objectif majeur. Elle va jusqu’à promulguer à un retour à l’obligation vaccinale contre la grippe.

Enfin, les prescriptions d’antibiotiques sont jugées inadéquates. Plusieurs mesures sont proposées afin de faire baisser la consommation de ces médicaments, l’antibiorésistance devenant un problème plus que préoccupant.

J’ai annoncé en septembre dernier vouloir mettre en place des actions permettant de promouvoir les signalements par les professionnels de santé

Le point de vue de la ministre des Solidarités et de la Santé
De son côté, si Agnès Buzyn a souligné partager les constats de la Cour, elle affirme que  l’organisation de la prévention s’est déjà beaucoup améliorée ces dernières années. La mise en place depuis 2017 du portail des signalements sanitaires simplifie les démarches des professionnels. En outre, pour elle, il est important de protéger les signalants, et c’est pourquoi un signalement ne doit pas systématiquement donner lieu à une inspection. De même, ces inspections ne doivent pas être privilégiées pour « les établissements mal notés » comme le préconise le rapport mais  demeurer réservées pour les situations les plus graves, voire aux établissements qui ne signalent jamais.

En ce qui concerne les infections nosocomiales à l’hôpital, la ministre affirme que cela ne dépend pas uniquement des équipes d’hygiène mais d’une culture de management par la qualité qui engage l’ensemble de l’établissement. Cependant, elle admet que les GHT pourraient faciliter la mise en place d’équipes spécifiques dans les établissements de court séjour.

Etrangement, en ce qui concerne la vaccination, ces propos sont nettement plus modérés que lorsqu’elle s’est exprimée sur le sujet sur Europe 1. En effet, la ministre déclare préférer faire confiance au sens de la responsabilité des professionnels de santé. C’est la raison pour laquelle j’ai signé avec les sept ordres professionnels, une charte de promotion de la vaccination.

En revanche, en ce qui concerne l’enquête de prévalence des IAS en ville, la ministre de la Santé est parfaitement d’accord avec les magistrats et va solliciter Santé publique France afin qu’elle soit lancée dès 2019 auprès des professionnels libéraux.

 Creative Commons License
Roxane Curtet
www.infirmiers.com

12 Mai journée internationale des infirmiers et infirmière

  La journée internationale des infirmiers et infirmières  est célébrée le 12 mai de chaque année, il existe aujourd'hui une fédération ...