Etre infirmière en prison : le soin derrière les murs
Paris : Maison d’arrêt de la Santé. Une fois la grande porte en fer franchie, seul lien avec l’extérieur, un autre monde s’ouvre, l’univers carcéral. Comment sont soignés les détenus au sein de la dernière prison intra-muros de Paris ? Les infirmières de l’Unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) racontent.
Depuis la loi 18 janvier 1994, il faut assurer à la population carcérale une qualité de soins équivalente à celle dont dispose l’ensemble de la population. C’est dans ce cadre qu’ont été créées les Unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA).
L’équipe de l’UCSA de la maison d’arrêt de la Santé est pluridisciplinaire : médecins généralistes et spécialistes, cadre de santé, aides-soignantes et aussi neuf infirmières, se relayent la semaine de 7h30 à 15h30 puis de 10h30 à 18h30, et les weekends et les jours fériés de 8h à 18h, pour la prise en charge médicale des détenus.
L’exercice en milieu carcéral : un milieu spécifique
L’exercice infirmier en milieu carcéral repose sur la base du volontariat. « J’ai demandé à exercer ici car j’ai su, en passant la porte de la prison, sans pouvoir expliquer pourquoi, que c’est ici que je devais travailler", raconte Dominique Godard, infirmière depuis 1996 à l’UCSA de la maison d’arrêt de la Santé, rattachée à l’hôpital Cochin.
Si aucune formation complémentaire à l’Ifsi n’est requise pour l’exercice en milieu carcéral, il est toutefois conseillé aux IDE d’avoir une formation à la relation d’aide. « Cette formation nous apprend à gérer nos affects, à gérer le patient ou encore à ne pas entrer dans l’empathie », rapporte Dominique Godard.
Il est également recommandé d’avoir une expérience professionnelle dans diverses unités de soins avant de commencer dans une unité carcérale. Parmi les qualités requises : savoir accompagner les patients, communiquer, être tolérant, disponible, avoir l’esprit d’initiative, savoir répondre aux demandes des patients de tous âges qui viennent autant pour des soins précis que pour changer d’air et se confier.
D’autant que la population carcérale peut parfois être violente verbalement. « Il ne faut pas entrer dans le jeu des détenus, indique Dominique Godard. Il faut garder son sang-froid et ne pas hésiter à confier la prise en charge du patient à une collègue si nous sentons que la situation peut dégénérer. »
Les infirmières doivent également être préparées à un exercice particulier du métier en milieu fermé. « Le milieu carcéral peut créer des tensions au sein du personnel car nous n’avons pas la possibilité de sortir prendre l’air quand nous en ressentons le besoin, estime Sylvie Zaki, infirmière dentaire à la Santé depuis 1998. Nous sommes enfermés, c’est ça le problème ! »
De plus, la culture hospitalière diffère de la culture carcérale qui prône la sécurité à tout prix. « La prison est une grande école de la patience, car nous avons besoin personnel pénitentiaire pour ouvrir les portes ou encore amener un détenu. »
Des pathologies induites par la vie en prison
Chacun des détenus possède un dossier médical et un dossier de soins infirmiers ouvert le premier jour de son incarcération. Les détenus malades bénéficient d’un suivi quotidien. Sinon, pour recevoir des soins généraux ou dentaires plus ponctuels, ils peuvent faire une demande écrite. Parmi les pathologies récurrentes : le diabète, l’hypertension artérielle, la tuberculose, la gale, le stress, le VIH, les problèmes psychologiques, etc.
« Des pathologies sont également induites par la vie en prison, souligne Dominique Godard. Comme des troubles de la vision, des maladies de peau liées au manque d’hygiène, les blessures diverses liées aux agressions, l’ingestion de corps étrangers, les tentatives de suicide, les grèves de la faim et de la soif, la drogue ou encore l’obésité car ils mangent à toute heure. »
L’UCSA assure des consultations médicales, des soins de petites chirurgies ou encore des soins dentaires à la population carcérale de la santé, composée de 700 détenus hommes, de 80 nationalités différentes. « Nous intervenons pour des soins infirmiers généraux, des soins spécifiques au milieu carcéral et en fonction des besoins des détenus », explique Dominique Godard.
Entretiens d’aide, prise en charge diététique avec éducation thérapeutique ou encore distribution des médicaments en détention sont quelques-unes des missions des infirmières. Elles assistent également les dentistes pour les soins dentaires des patients. « J’interviens pour la gestion de la douleur et la distribution des médicaments, précise Sylvie Zaki. Je prépare également le matériel pour la stérilisation. » « L’exercice en milieu carcéral est très enrichissant pour une infirmière, soutient Fabienne Dechet, cadre de santé de la maison d’arrêt. Elle va dispenser à la fois des soins d’urgence, techniques, relationnels et éducatifs. »
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